Ce vendredi, l’ancien bâtonnier Me Mohamed Traoré partageait sur sa page Facebook un extrait percutant du professeur Simplice Dion, qui mérite réflexion. Il écrivait :
« Il faut se méfier des révolutions. La révolution est un non à un ordre social. Mais un non qui n’accepte pas qu’on lui dise non. C’est là tout le danger de la révolution. De sorte que quand à un certain moment, la révolution commence à aller dans un certain sens et que vous dites non, c’est vous qui devenez un problème. »
Ce propos, aussi simple qu’il puisse paraître, soulève une réalité historique et contemporaine lourde de conséquences : la révolution, bien qu’elle se présente comme un cri de libération, peut rapidement se muer en dogme autoritaire. Dans bien des cas, elle refuse le débat, rejette la contradiction et redoute l’autocritique. Elle devient alors une idéologie fermée, sourde à toute remise en question.
Me Traoré, dans sa réflexion, insiste sur cette tendance qu’ont certains mouvements révolutionnaires à croire en leur infaillibilité. Quand on leur propose une autre voie, ou même une simple nuance, on devient suspect, marginalisé, voire dangereux. Le dialogue devient impossible car la révolution, se croyant porteuse de la seule vérité, n’accepte pas le doute.
Cette dynamique est particulièrement visible aujourd’hui dans plusieurs pays africains, où les régimes dits « néo-révolutionnaires » s’installent dans une logique d’exclusion. Le vent de changement qui avait soulevé l’espoir se transforme parfois en tempête contre ceux qui osent penser autrement. L’euphorie populaire, souvent entretenue par un discours de rupture et de justice sociale, masque encore la montée d’un pouvoir qui pourrait bien reproduire ce qu’il prétendait combattre.
Mais comme le souligne Me Traoré avec finesse, il est encore « tôt pour s’en rendre compte ». L’enthousiasme est vif, les promesses nombreuses, et les désillusions encore discrètes. Pourtant, les signes sont là : des voix réduites au silence, des opposants diabolisés, des intellectuels marginalisés. L’histoire nous enseigne que la vraie révolution, celle qui construit et libère durablement, est celle qui accepte la contradiction, cultive l’écoute et reste vigilante face à sa propre dérive.
Rappelons-nous donc que le « non » fondateur d’une révolution ne doit jamais devenir un « non » exclusif. Sinon, il perd sa force libératrice pour devenir une nouvelle chaîne.
Par Ali, journaliste
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