Le tournoi sportif organisé à Nzérékoré ce samedi 16 novembre 2024, sous le patronage du général Mamadi Doumbouya, est décrit par les initiateurs comme une réponse directe aux attentes populaires en matière d’unité et de cohésion sociale. Mais au-delà de l’événement sportif, cet événement soulève plusieurs questions sur la conduite de la transition en Guinée et sur l’utilisation du sport comme levier politique.
Il est indéniable que cet accueil reflète une forme de soutien populaire, mais une réflexion plus poussée de cette situation nous amène à poser la question suivante : ce soutien est-il véritablement spontané et désintéressé, ou est-il le fruit d’une campagne orchestrée par le pouvoir pour légitimer son action politique ?
En effet, ces messages de soutien qui se sont multipliés tout au long du parcours du ministre peuvent être perçus comme une forme de populisme bien huilée. Le gouvernement actuel semble vouloir faire croire que la transition a non seulement l’adhésion des populations, mais aussi une légitimité populaire incontestable. Or, il est important de rappeler que le contexte de ce soutien se situe dans une période de gouvernance militaire, où les libertés politiques sont restreintes et où les canaux d’opposition sont limités. De plus, ce soutien s’inscrit dans une logique où les critiques ouvertes peuvent être perçues comme un défi au pouvoir, réduisant ainsi l’espace pour des opinions dissidentes.
Quant à l’utilisation du sport pour renforcer l’unité nationale, elle est une pratique courante dans de nombreux régimes politiques. En Guinée, ce tournoi porte le nom du président Doumbouya et semble être un moyen de renforcer son image auprès de la population. Cependant, derrière l’aspect festif de cet événement, il est légitime de se demander si la refondation du pays ne se résume pas, pour le moment, à une série de gestes spectaculaires et d’initiatives à forte visibilité.
Le tournoi Mamadi Doumbouya, bien qu’il véhicule un message de paix et de cohésion, pourrait aussi être interprété comme une tentative de détourner l’attention des véritables défis politiques notamment le retour à l’ordre constitutionnel.
À un moment où la Guinée se trouve à un carrefour historique, le rôle de Mamadi Doumbouya et de son gouvernement est scruté de près. Si le soutien populaire semble réel dans certaines régions, celui-ci est loin de refléter l’adhésion générale des Guinéens, dont une large majorité exprime des frustrations quant au respect des droits humains, la liberté d’expression et l’autorisation de manifester.
De plus, alors que le pays traverse une période de transition politique, la question du retour à l’ordre constitutionnel reste sans réponse claire. Les promesses de la junte de restituer le pouvoir aux civils après des élections démocratiques ne sont pas encore tenues, et la prolongation du mandat militaire soulève des inquiétudes sur la volonté réelle du président Doumbouya de respecter les engagements pris devant la communauté internationale et les Guinéens.
Il est important de se demander si de tels événements peuvent véritablement résoudre les fractures sociales et ethniques qui traversent la Guinée. Le sport, bien qu’efficace pour créer des liens temporaires, ne constitue pas en soi une solution aux divisions profondes du pays. Il peut certes contribuer à un climat de paix, mais la réconciliation durable exige des efforts politiques de fond, comme la révision des institutions, la mise en place d’un système judiciaire impartial et le rétablissement de l’état de droit.
Si cet événement illustre une volonté de renforcer la cohésion sociale et d’associer les populations aux projets de la transition, il reste également un moyen pour le pouvoir en place de soigner son image et de consolider son soutien populaire. Toutefois, à long terme, ce sont les résultats concrets en matière de réformes politiques et économiques qui détermineront si la Guinée est véritablement sur la voie de la refondation, ou si l’on se trouve face à un exercice de légitimation d’un pouvoir militaire à travers des initiatives spectaculaires mais insuffisantes.
Aliou
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