Dans la campagne de vulgarisation de l’avant-projet de la nouvelle Constitution guinéenne, Dr. Dansa Kourouma, président du conseil national de la transition a annoncé à Nzérékoré l’instauration de l’éducation gratuite et obligatoire pour tous les enfants jusqu’à l’âge de 16 ans. Outre l’enseignement de base, selon le président du CNT, le projet de Constitution prévoit aussi la gratuité des études de Master et de Doctorat pour les meilleurs étudiants.
Il faut quand même reconnaître que derrière ces promesses se dessine une ambition claire : repositionner l’éducation comme pilier central du développement national. Cependant, ces annonces soulèvent des interrogations, tant sur leur faisabilité que sur leur portée réelle.
L’éducation gratuite et obligatoire jusqu’à 16 ans est une mesure louable. En Guinée, où les coûts de scolarité représentent un fardeau important pour les familles, cette initiative pourrait atténuer les inégalités d’accès à l’éducation. En théorie, cela garantit à chaque enfant un droit fondamental, inscrit dans la future loi suprême. Cette disposition est également une réponse aux faibles taux de scolarisation et d’alphabétisation dans certaines régions du pays, notamment en milieu rural.
L’annonce de la gratuité des études supérieures pour les meilleurs étudiants vise à encourager l’excellence académique. En prenant en charge les frais de Master et Doctorat, l’État pourrait non seulement réduire l’exode intellectuel, mais aussi renforcer la compétitivité des institutions universitaires locales.
Cependant, plusieurs questions restent en suspens. L’un des défis majeurs sera la mise en œuvre effective de ces mesures dans un contexte économique fragile. Le financement de l’éducation gratuite à grande échelle nécessitera des ressources importantes. Les infrastructures scolaires sont déjà insuffisantes dans certaines régions, et de nombreux établissements manquent de personnel qualifié. Comment l’État compte-t-il financer la construction de nouvelles écoles, recruter et former des enseignants, tout en soutenant les cycles supérieurs ?
De plus, garantir la gratuité des Masters et Doctorats pourrait peser lourdement sur les finances publiques. Le discours de Dr. Kourouma évoque un financement « à 100 % pour les meilleurs », mais aucun détail n’a été fourni sur les critères de sélection ni sur le nombre d’étudiants concernés.
Un outil de mobilisation politique ?
Au-delà des questions économiques, ces annonces s’inscrivent dans un contexte politique sensible. La période de transition actuelle est marquée par des tensions, et la nouvelle Constitution doit obtenir un large soutien pour éviter des contestations. En promettant des avancées significatives dans le domaine éducatif, le CNT cherche à mobiliser les citoyens autour de ce projet.
Cependant, certains observateurs pourraient y voir une manœuvre politique. Dr. Kourouma a insisté sur le caractère non-politique de ces promesses, mais dans un pays où la méfiance envers les dirigeants est élevée, ces déclarations risquent d’être perçues comme des engagements difficiles à tenir.
La réussite de ces réformes dépendra de la capacité du gouvernement de transition à transformer ces annonces en politiques concrètes. Si elles sont bien mises en œuvre, elles pourraient constituer un véritable levier pour le développement socio-économique de la Guinée. Dans le cas contraire, elles risquent de devenir un énième exemple de promesses non tenues, renforçant le scepticisme populaire envers les institutions.
Aliou Nasta
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